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Aider un enfant à gérer ses émotions : les acteurs clés

Sous la surface lisse d’un dessin d’enfant, il y a parfois une tempête. Léo, sept ans, explose parce que son trait a débordé. Sa mère, prise au dépourvu, oscille : doit-elle consoler, hausser le ton, détourner les yeux ? Plus loin, à l’école, la maîtresse observe discrètement son poing fermé ; au centre de loisirs, l’animateur esquive, craintif de faire un faux pas. Chacun, en silence, se demande : que faire face à cette colère si vive ?

À qui revient la tâche d’aider Léo à traverser ce tumulte intérieur ? Derrière chaque débordement, une ronde d’adultes se succède, chacun avec ses tâtonnements, ses astuces, ses craintes aussi. Parents, enseignants, éducateurs, tous influencent la manière dont un enfant apprendra, ou non, à apprivoiser sa fureur et son chagrin. Derrière ces silhouettes familières, parfois inattendues, se jouent les prémices d’un apprentissage qui marque pour longtemps.

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Pourquoi la gestion des émotions chez l’enfant est un enjeu majeur aujourd’hui

Le parcours émotionnel d’un enfant ne s’arrête pas au seuil de la maison. Dès la crèche, il passe du rire aux larmes, de la colère à l’excitation, en quelques battements de cils. Savoir nommer ces montagnes russes intérieures, les reconnaître, c’est là le socle d’un développement harmonieux. Paul Ekman, figure marquante de la recherche sur les émotions, recense six émotions universelles, déjà présentes chez les plus petits. Apprendre à composer avec, particulièrement lors des grands bouleversements – entrée à l’école, arrivée d’un petit frère – devient une boussole pour grandir.

Les neurosciences, relayées par les analyses de Catherine Gueguen, rappellent une vérité méconnue : le cerveau de l’enfant met des années à construire les fondations du contrôle émotionnel. Tenter d’étouffer une émotion, c’est la condamner à ressurgir, incomprise. Au contraire, la co-régulation – ce temps où l’adulte guide l’enfant vers l’apaisement – joue un rôle capital, notamment durant les premiers mois, avant que l’enfant ne découvre comment se réguler lui-même.

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Accompagner l’enfant dans ce travail, c’est aussi stimuler des aptitudes transversales :

  • empathie
  • résilience
  • estime de soi

Les compétences psychosociales (CPS) émergent dès la petite enfance et pèsent lourd dans la balance du bien-être et de la réussite à l’école. La pédagogie Montessori, par exemple, fait la part belle à la verbalisation et à l’écoute des émotions, créant un terreau favorable à la gestion du stress et à la prévention de l’anxiété. Un enfant qui apprend à reconnaître sa tristesse ou sa frustration, accompagné par un adulte attentif, pose les pierres d’une future intelligence émotionnelle – un véritable passeport pour la suite.

Qui sont les acteurs essentiels pour accompagner un enfant dans ses émotions ?

Tout commence avec le parent. Il offre le tout premier abri : la sécurité affective. Cette présence, faite d’écoute et de disponibilité, trace la voie de la régulation émotionnelle. En mettant des mots sur ses propres ressentis, le parent donne l’exemple. Il crée un espace où la colère, la tristesse ou la peur trouvent leur place, sans jugement ni tabou.

À ses côtés, le professionnel de la petite enfance – éducateurs, auxiliaires, psychomotriciens – apporte une autre perspective. À Paris, Johanna Hirt, éducatrice et formatrice, bâtit ses ateliers autour de l’expression des émotions. Elle insiste : l’accompagnement bienveillant n’est jamais inné, il se travaille. Angélique Rahier, psychologue, partage des pistes concrètes pour instaurer une relation de confiance et détecter les signaux d’alerte émotionnels.

  • Le parent : sécurité affective, parole sur les émotions
  • Le professionnel de la petite enfance : observation, co-régulation au quotidien
  • La formation : partage d’outils et de méthodes validées

La formation professionnelle se révèle déterminante. Elle affine l’observation, ajuste la posture, forge des outils pointus pour soutenir l’enfant, que ce soit lors d’une crise ou au fil des transitions. Quand parents et professionnels avancent main dans la main, c’est tout l’environnement de l’enfant qui se transforme, propice à l’épanouissement émotionnel et au développement de son intelligence émotionnelle.

enfant émotions

Parents, enseignants, professionnels : comment chacun peut soutenir concrètement l’enfant au quotidien

Côté maison, plusieurs ressorts sont à la portée du parent. La communication ouverte est un pilier : nommer les émotions de l’enfant, mais aussi s’autoriser à livrer les siennes. Un livre des émotions, des cartes illustrées, deviennent des alliés précieux pour mettre des mots sur ce qui déborde. Les routines, elles, tissent une toile rassurante : lire une histoire le soir, instaurer un temps calme après l’école, autant de repères qui apaisent.

À l’école maternelle, l’enseignant mise sur des outils concrets : un coin calme, un coussin des émotions, un minuteur pour faciliter les transitions. La pédagogie Montessori, fidèle à son esprit, propose des activités de la vie pratique qui invitent à la maîtrise de soi. Jeux de rôle, expression artistique ou corporelle : autant d’occasions d’expérimenter la gestion émotionnelle sur le terrain.

  • Dialogue ouvert et accueil bienveillant des ressentis
  • Livres et cartes pour aider à nommer les émotions
  • Espaces dédiés au calme et routines sécurisantes
  • Exercices de respiration pour dissiper les tensions

En crèche ou centre de loisirs, le professionnel veille à ce que l’environnement soit pensé pour apaiser. L’accompagnement se joue souvent dans des gestes simples : proposer une pause, suggérer de retrouver son doudou, inviter à tenir un journal des émotions. Les formations régulières permettent d’intégrer les dernières découvertes des neurosciences et d’affiner les réponses, qu’il s’agisse d’une frustration bruyante ou d’une anxiété qui ne dit pas son nom.

Au fond, accompagner un enfant dans la gestion de ses émotions, c’est lui offrir la possibilité d’apprivoiser ses orages intérieurs. Et si, demain, un dessin qui déborde ne déclenchait plus de tempête, mais ouvrait la voie à une discussion ? Peut-être alors, dans ce simple trait de crayon, se jouerait bien plus que l’apprentissage d’une émotion : celui de la confiance en soi, et du regard bienveillant posé sur le monde.