
Un cri jaillit, inattendu, puis le silence s’étire. Dans cette salle où la tension flotte, une femme fixe un couple qui n’est pas le sien, le souffle court, la gorge nouée. La scène paraît irréelle, presque déplacée, et pourtant, c’est bien là que s’écrit une page inédite : la naissance du tout premier enfant grâce à la gestation pour autrui secoue les certitudes, bouscule l’ordre établi, fracture l’évidence du lien biologique.
Hier encore, on aurait juré que porter un enfant et en être la mère allaient de soi. En quelques heures, cette conviction se fissure. Entre espoirs démesurés, débats passionnés et interrogations intimes, la gestation pour autrui ne se contente pas de bouleverser les destins individuels : elle redessine les contours de la parentalité, une pulsation à la fois.
Plan de l'article
Aux origines de la gestation pour autrui : repères historiques et premiers récits
La maternité de substitution n’a rien d’un phénomène né dans la douceur d’un consensus. Elle apparaît dans la foulée d’une rupture, dans les années 1970, quand quelques femmes prennent la décision de porter l’enfant d’autrui, non par hasard, mais en toute conscience. C’est ce qu’on appelle alors la maternité de substitution traditionnelle : une insémination artificielle réalisée avec le sperme du père d’intention, suivie de la remise de l’enfant à la naissance. Les premiers accords, souvent négociés aux États-Unis, font entrer ce geste profondément intime dans la sphère juridique et contractuelle.
Avec l’arrivée de la procréation médicalement assistée et de la fécondation in vitro, la donne change radicalement. Désormais, une mère porteuse peut porter un enfant sans partager son patrimoine génétique. Entre insémination artificielle et FIV, la définition même de la maternité est remise en cause.
Pour mieux cerner les étapes fondatrices de ce bouleversement, quelques dates clés s’imposent :
- 1976 : premier contrat de procréation pour autrui négocié par l’avocat américain Noel Keane.
- 1978 : naissance de Louise Brown au Royaume-Uni, premier bébé issu d’une fécondation in vitro, symbole d’une nouvelle ère pour la procréation.
- Années 1980 : la gestation pour autrui se développe aux États-Unis, sous l’œil attentif des médias et de la justice.
Les récits de femmes ayant prêté leur ventre émergent peu à peu dans les médias. Le lien maternel, jusqu’alors incontestable, se retrouve exposé au grand jour et soumis à la réflexion collective. Jadis taboue, la GPA gagne en visibilité, là où l’intime s’entrelace à la prouesse médicale et au désir d’enfant.
Premier bébé né d’une mère porteuse : que s’est-il vraiment passé ?
L’arrivée du premier bébé né d’une mère porteuse s’inscrit dans une période de profonds bouleversements, alors que la procréation médicalement assistée remet en cause les repères familiaux. Aux États-Unis, au début des années 1980, avant même que la fécondation in vitro ne se démocratise, une femme accepte de porter le bébé d’un couple infertile grâce à l’insémination artificielle. Cet accord, mis en place par l’avocat Noel Keane, change le visage de la famille et déclenche une vague de réactions dans l’opinion publique.
Derrière cette histoire, plusieurs acteurs se croisent et s’engagent :
- La mère porteuse, qui vit la grossesse sans partager les gènes du bébé lorsqu’il s’agit d’une gestation pour autrui dite “gestationnelle”.
- Les parents intentionnels, pour qui chaque mois d’attente devient une promesse.
- Dans certains cas, une mère génétique différente, lorsque l’ovocyte provient d’une autre femme.
L’affaire Johnson contre Calvert, jugée en Californie en 1990, marquera les esprits : la justice privilégie la volonté de devenir parents des commanditaires au détriment du simple fait de porter l’enfant. Aux États-Unis, le fait de rémunérer la mère porteuse ajoute encore une couche de complexité et suscite de nouveaux débats.
Louise Brown, premier bébé au monde conçu par fécondation in vitro en 1978, avait ouvert une voie inédite pour tous ceux qui rêvaient d’enfant. La gestation pour autrui va plus loin : elle dissocie grossesse, génétique et parentalité, non plus en théorie, mais dans la réalité, à travers des histoires humaines, individuelles, souvent bouleversantes.
Ce que la première gestation pour autrui a changé dans la société et le débat éthique
La gestation pour autrui (GPA) ne s’est pas contentée d’étendre les possibilités pour les familles : elle a dynamité les repères classiques de la filiation et du droit. Dès les premiers enfants nés par GPA, une question brûlante surgit : aux yeux de la loi, qui peut revendiquer la maternité d’un enfant porté par une autre femme ? Les réponses varient selon les pays, dessinant une géographie contrastée de la parentalité.
Pour saisir l’ampleur de la diversité des législations, voici quelques exemples concrets :
- Aux États-Unis, la GPA prospère, mais la réglementation diffère selon les États : la Californie la tolère et l’encadre, tandis que le Michigan l’interdit fermement.
- Au Royaume-Uni, la pratique est autorisée, à condition qu’elle ne soit pas rémunérée au-delà du remboursement des frais réels.
- L’Ukraine attire de nombreux couples étrangers grâce à une législation permissive et un système d’encadrement jugé plus souple.
Le terrain éthique s’anime. D’un côté, la notion d’indisponibilité du corps humain heurte le désir d’enfant de couples prêts à franchir des frontières pour fonder une famille. En France, la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval y voit la preuve de la pluralité des schémas familiaux, tandis que la philosophe Sylviane Agacinski alerte sur le risque de marchandisation du corps féminin et défend une interdiction ferme de la maternité pour autrui.
La GPA pose une interrogation déroutante : où finit l’aide médicale, où commence la prestation de service ? Aux États-Unis, des cliniques spécialisées bâtissent un secteur en pleine croissance, alors que des collectifs citoyens revendiquent l’instauration de garde-fous éthiques. Ce débat, toujours vivace, bouscule nos conceptions de la parentalité, de la justice et de la dignité. Derrière chaque législation, c’est une vision du monde familial qui se dessine, prête à défier les habitudes, à réinventer l’avenir, et peut-être à changer le regard que nous portons sur la filiation elle-même.





























